Le nombre de défaillances des petites et moyennes entreprises au Maroc ne fait qu'augmenter ces dernières années: 15% d'augmentation en 2015 par rapport à 2014. Si les causes des défaillances sont multiples: fragilité financière des entreprises, accès difficile au crédit bancaire, morosité du marché boursier, étroitesse du marché local avec un accès toujours faible aux marchés publics, les solutions sont peu nombreuses. Pour une PME en difficulté, hormis les accords amiables ou l'arbitrage peu utilisés pour résoudre les litiges avec les créanciers, le recours au redressement judiciaire demeure une solution toujours envisageable.

Ce recours a plusieurs enjeux: il permet à l'entreprise de rééchelonner le remboursement de ses dettes et sa restructuration interne par la présentation d'un projet de redressement au tribunal. Echelonné sur une période qui ne peut dépasser les dix années, ce projet doit être réaliste quant aux possibilités de l'entreprise d'honorer ses engagements envers ses créanciers y compris ses salariés. En cas d'échec du projet, le tribunal prononcera la liquidation judiciaire de l'entreprise.

Le chef d'entreprise devra traiter avec une tierce personne, le Syndic. Ce dernier est désigné par le tribunal parmi les professionnels de la comptabilité ou les greffiers, pour assister le chef d'entreprise dans la réalisation du projet de redressement, voire le remplacer dans des cas extrêmes. La perte de confiance engendrée par la mise "sous la protection du tribunal" conduit souvent à l'échec des projets de redressement.

Sur le terrain, les procédures collectives au Maroc, comprenant le redressement et la liquidation judiciaire, ne sont pas si efficaces pour présenter des solutions viables. En effet, le classement Doing Business classe le Maroc en 2015 à la 130 ème place en matière de règlement de l'insolvabilité (contre 42 ème en matière de création d'entreprise). Ce classement reflète plusieurs insuffisances dans l'arsenal juridique d'une part et dans son application d'autre part.

Sur le fond des textes juridiques, l'objectif du législateur dans le cadre du redressement judiciaire est le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Or pour une entreprise en difficulté, on ne peut atteindre cet objectif sans penser aux voies de sauvegarde de cette entreprise.

Le redressement judiciaire est une procédure publique qui engendre souvent une perte de confiance de la part des créanciers en externe, des salariés et du management en interne. Elle pousse surtout le chef d'entreprise à ne recourir à cette procédure que lorsque le redressement devient difficile. Ceci explique dans les faits le nombre prépondérant de liquidations judiciaires par rapport aux nombre de redressements prononcés par les tribunaux de commerce du royaume.

Sur l'application des textes, il suffit de rappeler que les syndics, censés accompagner le chef d'entreprise dans le redressement de son entreprise, ne sont pas organisés dans un corps professionnel permettant la vérification de leurs qualifications et leurs comportements professionnels. Les juges de leurs cotés se trouvent souvent, du fait de leur formation juridique, dépendants des conclusions des syndics.

Devant ce constat, insoutenable pour un pays qui souhaite encourager l'esprit d'entreprise et attirer les investisseurs étrangers, le législateur marocain prépare un projet de loi dont la nouveauté majeure est l'instauration d'une nouvelle procédure dite de sauvegarde.

S'inspirant du modèle français, le législateur marocain souhaite mettre à disposition des entreprises en difficulté un outil juridique leur permettant de recourir dans les premiers temps de leurs soucis financiers au tribunal et présenter un projet de sauvegarde, en toute confidentialité. Le chef d'entreprise continuera d'exercer ses fonctions comme à l'accoutumée avec l'assistance d'un syndic désigné par le tribunal. En cas d'échec du projet de sauvegarde, il est transformé en redressement judiciaire.

Il est à rappeler en revanche que cette procédure de sauvegarde existe en France depuis 2005 et demeure à ce temps très peu utilisée. Notre législateur marocain se doit d'adapter cette procédure au contexte local, voire chercher à revoir des textes considérés des préceptes du code de commerce marocain, notamment la hiérarchie des créanciers.

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