Les débats sur l’avenir du système fiscal marocain animent les conversations des initiés. Les thématiques sont multiples mais le but est unique : penser une fiscalité à même de répondre et servir les nouvelles ambitions du développement du pays. Parmi les thématiques largement débattues, celle de la fiscalité locale, dite fiscalité de proximité. 

Même si cette fiscalité est censée être assimilée et bien connue des citoyens, il n’en est rien. « Elle demeure méconnue de la part du grand public car il y a un chevauchement entre la fiscalité locale régie par la loi et les autres taxes parafiscales et droits prélevés par les collectivités territoriales à titre exceptionnel », avance El Mehdi Fakir, conseiller fiscal et expert comptable.

Le système souffre non seulement de sa complexité mais également de son faible rendement à la fois pour les collectivités territoriales et en matière de développement économique et social. « Nous avons plus d’une vingtaine de taxes locales dont une grande partie coûte beaucoup trop cher par rapport au rendement », nous expliquait dans un précédent entretien, Mohamed Berrada, président du comité scientifique des assises de la fiscalité qui se tiendront les 3 et 4 mai prochains.

En 2015, la Cour des Comptes s’est intéressée de près à cette problématique et a consacré à la fiscalité locale un rapport assez détaillé.

« Les ressources fiscales propres des communes ne couvrent, en moyenne, que 54% des dépenses de fonctionnement ; le reliquat étant financé par la TVA transférée par l’Etat », note le rapport.

Multiplicité des taxes et des intervenants

Cette situation s’explique par plusieurs phénomènes dont celui la multiplicité des taxes. Il existe dans le cadre de la fiscalité locale, des taxes gérées par l'Etat pour le compte des collectivités comme la taxe de services communaux, la taxe professionnelle ou la taxe d’habitation.

D’autres taxes sont gérées directement par les communes : taxe sur les terrains urbains non bâtis, taxe de séjour, taxe sur l'extraction des produits de carrières...

 

Les redevances gérées par les communes sont également multiples : Droits d’abattage, Droit de fourrière, Redevance sur les ventes dans les marchés de gros et halles aux poissons...

 

En 2007, une loi est venue encadrer la fiscalité locale et centraliser sa gestion. Il s’agit de la loi 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales.

Or, « le texte donne une marge de manœuvre aux collectivités territoriales pour définir par exemple les valeurs locatives. A ce niveau, il y a un peu d’arbitraire », avance El Mehdi Fakir. 

« La loi sur la fiscalité locale existe depuis 10 ans, mais elle n’a toujours pas de circulaire d’application. De plus, plusieurs administrations interviennent dans ce domaine », ajoute l’expert fiscal.

La fiscalité locale est l’apanage du ministère de l’intérieur et de la Trésorerie Général du Royaume. La DGI intervient pour certaines taxes.

>> Lire aussi : Assises de la fiscalité : les exonérations et les taxes locales au cœur des débats

Autres insuffisances, relevées cette fois-ci par les magistrats de la Cour des comptes :

L’absence de convergence entre la politique fiscale menée en matière d’impôts d’Etat et celle relative aux taxes locales ;

Le manque d’une vision intégrée portant sur l’ensemble des prélèvements obligatoires et permettant l’harmonisation des systèmes fiscaux national et local et l’appréhension de la pression fiscale dans sa globalité ;

Le manque d’indentification du potentiel fiscal en vue d’adopter un système de prélèvement pouvant satisfaire les besoins de financement des collectivités territoriales ;

L’ambiguïté des objectifs et la quasi-absence de feuille de route dans le processus de réforme.    

 

« Les mesures fiscales adoptées au plan local ont continué à être déconnectées du paysage de la fiscalité d’Etat et n’ont pas produit de grands changements dans l’évolution des recettes, rendant nécessaire une réforme approfondie susceptible de mieux satisfaire les objectifs escomptés », concluent les magistrats.

Depuis, la TGR et le ministère de l’intérieur ont travaillé sur un projet de refonte de cette fiscalité. Projet qui devra désormais s’inscrire dans la logique et la nouvelle philosophie prônée par les assises de fiscalité prévue pour début mai prochain.

Vers un seul code général des impôts d'Etat et taxes locales ?

Selon les premières indiscrétions relatives aux assises de la fiscalité, les taxes locales vont subir une profonde transformation. Mais il ne s’agit pas de changer pour changer.

« La loi-cadre de la fiscalité va définir les principes fondateurs et ce sont ces principes qui nous permettront de filtrer l’existant et d'apporter les changements », explique Fakir, abondant dans le même sens que le président du comité scientifique des assises de la fiscalité, Mohamed Berrada, qui a affirmé à plusieurs reprises que le débat actuel est un débat d’idée et de principes.

« Toute mesure fiscale doit passer par le filtre de cette loi-cadre avant son adoption pour voir si elle respecte les principes édictés », nous avait-il affirmé.

Par exemple, la loi-cadre favorisera l’investissement créateur d’emploi. Partant de ce principe, la taxe professionnelle peut être comprise comme une taxe antinomique avec l’acte d’investissement, donc sa suppression sera discutée.

« Il faut absolument éviter le millefeuille fiscal qui parfois est invisible au départ mais qui au final grève l’acte d’investir et de produire sans que l’on puisse vraiment y toucher. Le fait de mettre en place une dynamique binaire en tandem entre la fiscalité locale et celle de l’Etat permettra plus de visibilité et de lisibilité de notre système fiscal », préconise Mohamed Manchoud en charge de l’animation du réseau au sein de la DGI en marge des matinales de la fiscalité organisée par le groupe le Matin.

La DGI comme gestionnaire unique ?

La refonte de la fiscalité locale est nécessaire et l’idée semble acquise.Deux orientations font l’unanimité. La première est d’aller vers plus de simplicité. La seconde est plus d’harmonie avec la fiscalité d’Etat.

Sur ce second point, certains préconisent d’aller vers un seul Code général des impôts commun à l’Etat et aux collectivités locales, qui puisse être révisé annuellement dans le cadre des lois de finances.

Pour ce faire, la multiplicité des intervenants n’aura donc pas de sens. « Il ne s'agit pas de remettre en question l’implication, le sérieux et la bonne volonté des services de la TGR, des services communaux et ceux du ministère de l’intérieur, mais faire relever la fiscalité d’une seule entité permettra cette marge opérationnelle et institutionnelle nécessaire pour aller vite et faire mieux », analyse El Mehdi Fakir.

Les regards se tournent tout naturellement vers la DGI comme l'institution privilégiée pour la gestion d’un tel chantier.

 

Source: www.medias24.com