Le Maroc a beau investir des milliards de dirhams, la croissance ne suit toujours pas. L'effort d'investissement a été multiplié par trois durant la période 2000-2016, au moment où l'on constate un essoufflement de la croissance ne dépassant pas, dans les meilleures campagnes agricoles, 4% du produit intérieur brut (PIB). La mauvaise canalisation des investissements durant la dernière décennie n'a pas permis au royaume de générer assez de richesse économique. Mettre le paquet sur les infrastructures, l'immobilier ou encore les services n'améliorera guère la situation. La négligence des investissements dans les domaines de l'industrie et de l'agriculture contemporaine a favorisé le développement de l'économie de rente, quelle que soit sa forme légale ou informelle.

Si les investissements enregistrés au niveau du projet de loi de finances 2018 s'élèvent à 195 milliards de dirhams, seuls 70 milliards de dirhams sont sous le contrôle du gouvernement (soit 36% de l'enveloppe globale). En effet, plus de 107 milliards de dirhams sont destinés aux projets d'investissement des entreprises et établissements publics (55% de l'investissement global). En l'absence d'une coordination transversale dans le mode de gouvernance des investissements, l'essentiel de son enveloppe budgétaire sera toujours injecté dans les infrastructures et l'immobilier, peu générateurs de croissance. Par conséquent, le PIB par habitant ne progressera pas tant que l'effort d'investissement n'est pas orienté vers la création de richesse, en l'occurrence l'amélioration de la vie quotidienne du citoyen.

La mise en place de l'Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE) est une occasion propice pour redresser la barre. Il incombera à la nouvelle agence de mettre en œuvre la stratégie de l'Etat dans la promotion et le développement des investissements nationaux et étrangers. En effet, la nouvelle charte d'investissement restructure les activités de promotion des investissements sous la houlette de l'AMDIE et pour le développement de zones franches dans chacune des 12 régions du royaume.

Depuis le mois d'août 2016, les contrats d'investissement signés par l'Etat marocain ne peuvent que traduire la volonté du royaume de développer davantage les industries émergentes génératrices de croissance. Lesdits contrats ont été conclus avec plusieurs opérateurs étrangers (fabricant britannique des pièces automobiles Delphi, fournisseur canadien des composants moteurs Linamar...) dans la perspective d'améliorer le taux d'intégration de l'industrie automobile, comme étant une composante considérable du développement local et créatrice de richesse.

En parallèle, le comité national de l'environnement des affaires (CNEA) a bel et bien décliné son plan d'actions 2017-2018 scindé en 4 axes majeurs qui couvrent l'appui au secteur privé, l'amélioration du cadre légal des affaires, la digitalisation des services et la simplification des procédures administratives (autorisation de construction, agrément d'exercice...). L'ambition du CNEA est de parvenir à mettre en place une stratégie nationale de l'environnement des affaires, mais sera-t-elle efficace? Ou s'agira-t-il tout simplement d'un plan de travail consolidant les projets en cours?

L'idéal serait de parvenir à créer une véritable plateforme de dialogue social public-privé traitant les problèmes auxquels les entreprises (nationales ou étrangères) sont confrontés au moment de leur promotion des investissements. L'engagement stratégique de toutes les parties prenantes à travers une approche participative favorisera l'émergence "des investissements orientés croissance". Le CNEA devra se rapprocher davantage des Centres régionaux d'investissement (CRI) qui s'occuperont dorénavant beaucoup plus de l'accompagnement des entreprises pour la réussite de leurs investissements régionaux, au-delà de leur mission institutionnelle de "guichet régional unique de création des entreprises".

La création d'un "cluster national" dédié aux investissements, en appui à la nouvelle charte en la matière, permettra de piloter l'effort de financement de l'investissement vers les secteurs vitaux en étroite relation avec le commerce extérieur (agriculture, agro-industrie, industries émergentes...). L'objectif sera d'atténuer le déficit de la balance commerciale qui ne cesse de se creuser et qui avoisinera la barre des 200 milliards de dirhams à fin décembre 2017.

Dans le même ordre d'idées, la promotion des investissements industriels et commerciaux profitera au royaume dans les deux sens à savoir: moteur de la croissance nationale améliorant le PIB non agricole, et instrument d'amélioration de balance commerciale à travers l'augmentation des exportations.

De ce fait, le développement d'un pôle de compétitivité autour de la promotion des investissements facilitera l'implémentation de la future stratégie de promotion des affaires aux niveaux territorial et local les plus efficaces, en orientant l'investisseur vers l'industrialisation et les projets innovants et non pas le financement de l'économie de rente qui entrave la bonne croissance économique.

La coordination avec les coopératives et les professions syndicales est susceptible d'éclairer davantage la vision d'investissement à travers une meilleure connaissance du marché local et par conséquent une parfaite maîtrise du risque lié aux financements des projets. Les coopératives et les professions syndicales sont des entités locales opérationnelles qui connaissent au mieux les produits de la région et la culture de la population locale, ce qui servira l'entreprise nationale ou internationale à l'adaptation de ses investissements en fonction des variables économiques de la place et tenant compte des contraintes territoriales.

Source: http://www.huffpostmaghreb.com